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L'affaire du Trésor de Boucq
28 février 2014

Résumé de l’affaire Deux retraités découvrent le

Résumé de l’affaire

 

Deux retraités découvrent le 15 avril 1997 un dépôt de monnaies en or avec leurs détecteurs de métaux. Ils déclarent à la mairie de Boucq, près de Toul, leur trésor 9 jours après les faits mais sont poursuivis pour fouilles clandestines, destruction d’un site archéologique et utilisation illicite de détecteur de métaux. L’un des deux est condamné en première instance (l’autre étant décédé) puis la peine a été confirmée en appel et la cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’inventeur.

 

Conséquences de cette affaire

 

La volonté de Louis Fontenay d’aller jusqu’en appel puis en cassation (il est vrai, poussé par l’Association Française des Prospecteurs afin de démontrer la doctrine de leur juriste, Antoine Béguin) a permis à ce procès de faire jurisprudence.

 

Le procureur des procès en première instance et en appel a rédigé un article très important intitulé : FOUILLES ARCHEOLOGIQUES Le droit pénal et le droit civil au secours de l'archéologie contre les prospecteurs clandestins, démontant tous les arguments de la défense des deux pilleurs et en faisant le point concrètement sur la législation. Sa connaissance est indispensable à toute personne s’intéressant au problème du pillage.

 

Vue de la commune de Boucq.

 

L’affaire de Boucq

 

Le 15 avril 1997, deux septuagénaires, membres de l’Association Française des Prospecteurs (AFP) passent leurs détecteurs de métaux en bordure de forêt sur le lieu-dit « aire de loisir », commune de Boucq (dans les environs de Toul). Louis Fontenay et son ami Roger (mort pendant l’instruction) trouvent ce jour là 200 monnaies en or du XVème, XVIème et XVII ème siècle dans un pot en terre cuite. Comme il est habituel chez les chasseurs de trésor après une découverte intéressante, ils ont ratissé le coin dans un rayon de 50 à 100m autour du dépôt afin de bien être sûr de ne rien avoir oublié. Lisant régulièrement le journal de leur association, et les propos de l’avocat de la détection, Antoine Béguin, ils décident de déclarer le trésor malgré les fortes réticences – malheureusement uniquement téléphoniques-- du président de l’AFP de l’époque. Selon certains c’est par peur de représailles qu’ils déclarent leur découverte car les deux retraités avaient déjà révélé cette découverte dans la presse locale. Ils font donc écrire par leur avocat, le 24 avril 1997, une lettre recommandée à la mairie pour les informer de la découverte en indiquant les articles de loi qu’ils estiment s’appliquer à leur cas. Une date de rendez-vous est donc fixée à la mairie de Boucq entre les différents protagonistes, le maire, les deux inventeurs, des gendarmes et des représentants du SRA, c’est donc le 28 mai 1997 que les inventeurs prennent connaissance de la plainte que vient de déposer la mairie et les services préfectoraux pour fouilles archéologiques sans autorisation, destruction de site archéologique et utilisation d’un détecteur à des fins archéologiques sans autorisation administrative. Le dépôt est donc inventorié et un reçu fait par le trésorier principal de la mairie avec pour somme arbitraire d’un franc par monnaie est remis aux inventeurs. Une convention de séquestre a été signée en attendant qu'il soit statué sur la dévolution de la propriété du dépôt. L’enquête préliminaire, rapidement effectuée, est confiée à la gendarmerie suite à la plainte déposée par la mairie.

 

Louis Fontenay, Télépoche 1998.

 

Le procès-verbal de synthèse dressé par les gendarmes indique : « Cette recherche s’effectue dans le cadre d’un loisir qui permet avant tout de se détendre et d’effectuer des sorties en plein air. Ils ne font pas de repérages sur le terrain, ils ne sont pas passionnés d’histoire. Leur documentation sert principalement à retrouver les objets qu’ils découvrent. S’ils rêvent de retrouver un trésor, ce n’est pas pour sa valeur, mais pour le plaisir de la découverte ». On peut noter la contradiction évidente de ces quelques lignes, en effet comment font-ils pour ne pas faire de repérage tout en ayant de la documentation permettant de retrouver les objets qu’ils trouvent ?  Le maire maintient évidemment sa constitution de partie civile. Manifestement le gendarme chargé de l’enquête s’est laisser convaincre par la rhétorique habituelle des chasseurs de trésor, il n’a pas cherché à en savoir un peu plus. Le plus grave reste que le 18 septembre 1997, la plainte du maire est classée sans suite par le substitut du procureur de la République au motif que les poursuites sont inopportunes. Pendant toute cette période le trésor est  toujours sous séquestre dans un coffre bancaire au nom de la commune.

L’affaire aurait pu en rester là mais c’était sans compter sur la cupidité des deux pilleurs car c’est en tentant de récupérer ce qu’ils estimaient être leur part du trésor que les inventeurs ont ouvert la boîte de Pandore. Suite à une demande de leur avocat, conseillé par le juriste de l’AFP, réclamant selon l’article 716 du Code Civil, la moitié du trésor, le Parquet de Nancy ouvre une deuxième enquête préliminaire le 7 mai 1998. Les deux inventeurs sont  renvoyés devant le Tribunal correctionnel de Nancy pour utilisation non autorisée d'un détecteur de métaux pour recherche historique ou archéologique, exécution de fouilles archéologiques sans autorisation et dégradation grave de bien classé ou inscrit.

Louis Fontenay (son camarade étant décédé entre temps) est condamné le 5 mai 1999 à 13000 Francs d’amende dont 9000 avec sursis et de 3000 Francs pour les frais de justice de la mairie de Boucq ainsi que d’un franc symbolique à titre de dommages et intérêts.

 

Exemple d'une monnaie de Boucq.

 

Sous pression de l’AFP, Louis Fontenay fait appel du jugement. Il demande à la Cour d’appel de Nancy de réformer le jugement déféré, de le relaxer sur le fondement de l'erreur de droit, de l'absence d'élément intentionnel et de rejeter la constitution de partie civile de la commune de Boucq sous prétexte qu’aucun dommage n’a été réalisé sur son territoire.

En appel comme en première instance, l’avocat de Louis Fontenay, Maître Béthune de Moro sur les conseils d’Antoine Béguin, adopte la même stratégie. Ils reconnaissent avoir utilisé des détecteurs de métaux et avoir trouvé des monnaies pouvant intéresser l’art, l’histoire, l’archéologie et la préhistoire sans l’autorisation administrative ni même celle de la commune propriétaire des lieux mais ils contestent l’intentionnalité de l’infraction sous prétexte qu’ils n’ont pas ciblé spécifiquement cet endroit comme étant un site archéologique. Louis Fontenay a invoqué le fait que la mairie ait autorisé au public l’accès à ce terrain pour justifier qu’il n’a fait aucune demande d’autorisation de prospection. Le fait d’être tombé sur ce dépôt est considéré par la défense comme un heureux hasard, ce qui leur permet non seulement d’obtenir la moitié du trésor mais surtout dans le cadre de ces procès de rejeter toute infraction pénale. La défense a prétendu que les prévenus faisaient parti d’une communauté de 300 000 personnes qui pratiquaient un loisir inoffensif à l’image des cueilleurs de champignons.

 

Epilogue

 

La nouvelle municipalité de Boucq, propriétaire du terrain et donc propriétaire des monnaies a annoncé, suite aux conseils juridiques de l’association des maires de France, vouloir mettre en vente le dépôt. L’étude de Mtre Teitgen mettra aux enchères les quelques 200 monnaies en or du trésor de Boucq le 12 Décembre 2009. Cependant Antoine Béguin, conseil de l’avocate de Louis Fontenay n’a toujours pas reconnu la défaite de sa doctrine, à savoir que pour lui l’article 716 du Code Civil s’applique pour les découvertes réalisées au détecteur de métaux, prétendant que l’aléas de la découverte équivaut au « plus pur effet du hasard » nécessaire à la qualification de découverte fortuite. Les arrêts respectifs des différents jugements ne l’indiqueraient pas clairement et ce malgré l’article réalisé par Gérard Launoy, dans le jurisclasseur et qui explique en détail les enseignements à tirer de ces jugements. Son compère assureur-juriste-numismate Louis-Pol Délestrée lui aussi impliqué dans la défense outrancière des fouilleurs clandestins partage le même avis et a émis le souhait de poursuivre en justice la mairie de Boucq lors de l’annonce de la mise en vente du Trésor. A l’heure où nous écrivons ces lignes, à notre connaissance, aucune plainte n’a été déposée, d’ailleurs nous aimerions connaître les motifs qui pourraient être invoqués par cette défense jusqu’au-boutiste et désespérée d’une doctrine maintes fois rejetée.

 

Les dates clefs de l’affaire

 

15 avril 1997 : découverte du dépôt

24 avril 1997 : déclaration par une lettre recommandée destinée à la mairie de boucq

28 mai 1997 : plainte de la mairie et mise sous séquestre du dépôt

18 septembre 1997 : classement sans suite de la première plainte

7 mai 1998 : nouvelle enquête préliminaire suite à la demande de restitution d’une partie du trésor.

5 mai 1999 : condamnation en première instance

19 octobre 2000 : confirmation de la condamnation

26 juin 2001 : rejet du pourvoi en cassation

12 décembre 2009 : vente des monnaies au bénéfice de la mairie.

 

Association Halte au Pillage du Patrimoine Archéologique et Historique - HAPPAH - agréée par le Ministère de la Culture

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